Actualité n°1 (Janvier – juin 2017)
Atelier hebdomadaire avec le groupe des anciens du CASI-UO (Centre d’Action Sociale Italien – Université Ouvrière) à St Guidon (BXL)
Pourquoi cet atelier ?
Pour aborder la question « Que fait-on de ce qu’on a reçu ? » Comment ce que nous avons reçu de l’éducation, de l’école, du travail, de nos expériences diverses… comment tout cela se mélange, se transforme, se transmet ?
Ecriture et détours par Edouard Glissant, Germaine Tillion, Paul Klee, Pièces de mémoire (vidéo de l’asbl Approches Cultures et Territoires), Akira Mizubayashi (Une langue venue d’ailleurs).
Quelques extraits des productions :
Je suis arrivée en Belgique, j’avais 25 ans . Je me suis mariée et sono émigrata. Je n’ai jamais travaillé. Je ne suis pas allée à l’école ici. Et ainsi, je ne sais pas écrire en français. E neanche parlare ! Là où j’habitais à Thieu, il y avait mes cousins. Et mes voisins étaient tous italiens… Alors on parlait italien. (Alfonsa)
Mes deux grand-mères ont été très présentes dans ma jeunesse, tant en Italie qu’en Belgique. Aujourd’hui c’est moi qui suis grand-mère. Je suis fière de ma petite fille qui vient de faire ses premiers pas. Elle a tout juste 10 mois. (Angela)
Ensuite j’ai trouvé un café-restaurant à reprendre. J’avais un peu d’argent en banque, alors je me suis associée avec une autre personne que je venais de rencontrer. Mais après quatre mois de collaboration, je me suis rendue compte qu’elle n’était pas sérieuse. Nous nous sommes donc séparées, et j’ai décidé de ne compter que sur moi-même. J’ai donc continué, et j’ai réussi. Ainsi, j’ai tenu mon café-restaurant pendant 32 ans. Cette réussite je la dois à moi-même, à la confiance de mes enfants, mais aussi à ces mots de ma nonna Gaetana « Cerca di essere felice » (Antonia)
Aujourd’hui je voudrais vous parler de mes ancêtres… Mon arrière grand-père me fait penser à l’émigration. Il habitait une autre ville. C’est lui le premier qui est parti pour venir s’installer dans ma ville natale. Il m’a transmis l’audace de partir. Mon grand-père paternel m’a montré son exemple. Il jardinait du matin au soir, de l’aube au crépuscule et il est parvenu à élever 9 enfants, tous et toutes se sont mariés et ont eu plusieurs enfants. Il ne parlait pas beaucoup. A l’époque, on apprenait en regardant faire les plus grands. (Domenico)
Aujourd’hui je voudrais dire merci à mes parents. Merci à mon père pour sa descente aux enfers. Merci à ma mère qui pour nous a oublié de vivre. Merci pour leur audace de partir. Dire non à la pauvreté. Résister coûte que coûte à la fatigue. Au racisme quotidien. Aux insultes de « sales macaronis ». Ces macaronis que toi maman, milanaise, tu nous as fait apprécier à toutes le sauces. (Géraldine)
L’enfance est peut-être le temps le plus court de la vie. Mais il est comme une pierre d’angle dans la construction de ce que nous devenons. Plus tard… en Belgique. A Qaregnon Rivage, c’est là que j’ai habité. Il y avait une boucherie, la boucherie Achille. Le mercredi j’allais chercher des carbonnades. On recevait un bonbon. Je devais avoir une dizaine d’années… (Gina)
Et pourtant… Nous avons eu le courage de nous faire humilier. Quand je suis partie de mon pays, mon père m’a dit : Perché fuori ci sono i pescecani et gli avvoltoi, non ti fare ingannare da nessuno, devi farti rispettare. Solo con la forza della volontà diventerai qualcuno, e se non ci riesci, non avvilirti, qui c’è lavoro e pane. Parce que dehors il y a les requins et les vautours, ne te fait pas avoir, par personne, tu dois te faire respecter. C’est seulement avec la force de la volonté que tu deviendras quelqu’un, et si tu n’y arrives pas, ne te décourage pas, ici il y a du travail et du pain. (Giovanna)
Les lignes qui se croisent ne sont pas droites. Je suis un tapis de langues. Je parle le vrai sicilien avec ma belle-sœur et ma maman. Et c’est tout. Le sicilien je ne l’ai pas oublié, même si c’est difficile parfois parce que le français s’y mélange. D’autres lignes font leur chemin. (Giuseppa)
Le rouge, c’est la couleur de la Sicilia. Elle a été mon premier amour. C’est là que je suis née, que j’ai grandi, que j’ai appris mes premiers mots. C’est là que je rêvais quand j’étais enfant de devenir quelqu’un d’important. Et de pouvoir faire tant de choses. (Pina)
Tant de tristesses, tant de solitudes se cachent en chacun de nous. Triste penso al sole e ai sogni che mi han tradito. E a te terra matrigna che mi hai venduto ! Triste, je pense au soleil et aux rêves qui m’ont trahis. Et à toi terre marâtre qui m’a vendu ! Si tu pouvais te réveiller de ton sommeil éternel… Qu’est-ce qui me reste maintenant, si à travers ces rues se noient comme une anguille les derniers jours de la vie ? (Rosario)
La signora cafetiera est en métal gris. Elle a un filtre et un manche de bakélite. Elle est fabriquée en Italie. Tous les jours quand je me lève, la première chose que je fais è il caffè. J’allume la radio. C’est comme ça que je commence ma journée. La musique m’accompagne toujours. La musique est dans toutes les langues. J’aime la langue de la musique, et la musique des langues. (Sarina)